Je me plais à croire que (tout comme moi) vous survivez à la désastreuse routine quotidienne de votre vie en vous réfugiant dans la lecture. Et que (tout comme moi) vos désirs et vos attentes littéraires ne sont que très rarement comblés. Vous serez donc rassurés de savoir que ces livres - qui n’ont nulle autre ambition que d’être lus puis oubliés - honorent totalement cette illustre règle non-écrite du lecteur inassouvi et déçu.
    
 Ces livres ne vous quitteront plus. Enfoncés négligemment dans la poche arrière de votre jeans, ou noyé au fond de votre sac à main, des taches d’huile solaire, de vernis, d’encre ou de morve s’y accumuleront, envahissant les pages indifféremment cornées et griffonnées. Quand il pleuvra, vous les utiliserez comme parapluie. Quand votre table au restaurant sera bancale, vous les utiliserez comme cale. Et quand votre meilleur ami, tremblant mais déterminé, s’efforcera de vous extraire cette balle qui s’est logée dans votre cuisse, vous les serrerez violemment entre les dents pour encaisser la douleur…

Mais parfois, je dis bien parfois, il vous arrivera d'en ouvrir un - assez inexplicablement d’ailleurs - entre deux stations de métro ou dans la salle d’attente d’un médecin généraliste choisi au hasard dans les pages jaunes.

Et alors là, seulement là, vous vous surprendrez à en lire quelques pages…